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L'impression 3D métallique, une réalité en production chez les industriels

L'impression 3D métallique, une réalité en production chez les industriels
Une hélice produite par Naval Group en fabrication additive arc-fil pour le navire chasseur de mines Andromède. (Photo : Naval Group)
Retrouvez cet article dans le CIO FOCUS n°205 !
Industrie : L’IT travaille enfin en usine

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La transformation numérique de l’industrie n’est pas chose nouvelle. Mais les multi-crises post covid, la concurrence internationale accrue et surtout, la maturité des technologies IoT, data, jumeaux numériques, IA, 5G, fabrication additive lui donnent un nouvel élan. Première génération de norme...

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Naval Group, Safran et Vallourec fabriquent déjà des pièces, et bientôt des moteurs, en impression 3D métallique. A la clé, un allègement des produits et une réduction de la consommation de matière première et d'énergie. Reste à constituer une filière française de la fabrication additive, comme l'ont rappelé ces entreprises sur le salon Global Industrie.

PublicitéTrois poids lourds de l'industrie française, Safran, Naval Group et Vallourec, ont témoigné de la réalité de l'impression 3D dans leurs processus de fabrication, à l'occasion du salon Global Industrie, qui s'est tenu à Villepinte (Seine-Saint-Denis) du 25 au 28 mars. La table ronde à laquelle ils participaient s'est focalisée sur la fabrication additive de pièces en métal, et sur les exemples concrets mis en oeuvre dans ces trois entreprises.

« C'est réel, c'est un outil, insiste ainsi avec conviction David Leutard, directeur des programmes du campus additive manufacturing de Safran. Nous avons qualifié ce procédé de fabrication additive métallique, comme tout autre procédé spécial destiné à l'aviation civile ou militaire. » Naval Group, de son côté, a fabriqué par fusion laser sur lit de poudre (DMLS, direct metal laser sintering) des blocs hydrauliques pour des navires, résistants à de très fortes pressions. « Et ce n'est pas un PoC, rappelle Patrice Vinot, responsable innovation matériaux et procédés chez Naval Group. Ces pièces auront la même durée de vie que le navire. » L'industriel a également produit en 2020 en fabrication additive arc-fil (waam, wire arc additive manufacturing), une hélice pour le navire chasseur de mines Andromède, en collaboration avec Ariane Group. Avec cette technique d'impression 3D, des robots soudeurs commandés numériquement à partir des data de conception déposent des couches de fil métallique fondu par arc électrique.

Le fabricant de solutions tubulaires pour l'industrie Vallourec exploite aussi le waam pour son secteur d'activité historique, pétrole et gaz, mais aussi dans d'autres activités comme l'énergie, avec par exemple des anneaux d'étanchéité pour l'hydraulique. « Oui, le manufacturing additif métallique est bel et bien mature et qualifié, confirme Sylvie Dubois-Decool, directrice générale en charge des services et des nouvelles lignes de business chez Vallourec. Ces pièces sont effectivement utilisées chez nos clients industriels. »

La nécessité d'une filière française

Reste que pour les trois entreprises, l'enjeu est désormais celui de la création d'une filière française de fabrication additive, de l'amont à l'aval. Y compris en matière de fabrication des équipements d'impression 3D. Vallourec tente ainsi de développer un écosystème dans la région de Valenciennes (Nord). Il dispose déjà de 4 robots d'impression additive métallique depuis l'an dernier, sur son site de R&D et de production d'Aulnoye-Aymeries (59). « Nous avons donc déjà rapatrié la fabrication dans le département du Nord, mais nous développons aussi tout un écosystème autour, précise la directrice générale. En amont, avec le textile, par exemple, pour les fils métalliques, mais aussi en aval pour l'usinage, les essais non destructifs, la radiographie, etc. »

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De gauche à droite, Sylvie Dubois-Decool, directrice générale en charge des services et des nouvelles lignes de business chez Vallourec, Patrice Vinot, responsable innovation matériaux et procédés chez Naval Group, et David Leutard, directeur des programmes du campus additive manufacturing de Safran.

« C'est un enjeu majeur, affirme également David Leutard de Safran. Il y a la question du fil pour le waam, mais pour nous, tout commence par la fabrication de la poudre, notre matière première pour le DMLS. Puis, nous avons besoin de la fusion (de la matière, NDLR), et en fin de processus, de la découpe, du traitement thermique, du traitement de surface pour le polissage mécanique ou chimique, du contrôle non destructif, etc. Et même de l'exploitation des données de fabrication pour le contrôle. » Il est essentiel pour le sous-traitant aéronautique et aérospatial de trouver tous les prestataires de cette chaîne. D'autant qu'il déploie son programme Rise (Revolutionary innovation for sustainable engines) pour produire des moteurs d'avion destinés à réduire la consommation et les émissions de GES des avions d'ici à 2035. « Les pièces de ces moteurs destinés à des Airbus A320 ou des Boeing 737 seront entièrement réalisées en manufacturing additif, poursuit le directeur des programmes du campus additive manufacturing de Safran. Nous avons donc absolument besoin de développer une supply chain adéquate en France. »

Collaborer entre industriels

Pour cette même raison, dans le cadre du plan France 2030, Naval Group s'est associé entre autres avec le fournisseur de cellules de fabrication additive VLM robotics, le Cetim (Centre technique des industries mécaniques), Janus, l'école Centrale, etc. pour lancer un programme d'accompagnement de futurs champions français de la fabrication additive. « Il y a un intérêt évident à constituer ce type de réseau pour les industriels, qui sont les utilisateurs finaux, poursuit-il, mais en plus, le pilotage par le Cetim offre un accès à ces technologies à des sous-traitants qui n'en auraient pas les moyens autrement. » Essentiel pour que toute la chaîne industrielle s'adapte, selon les participants à la table ronde.

Reste que « les machines à procédés waam par exemple, ne sont aujourd'hui ni françaises, ni même européennes, glisse Patrice Vinot. Des industries sensibles comme la défense préféreraient que ces matériels ne viennent pas d'Asie ou d'outre-Atlantique. » Un sujet sensible, car les trois entreprises en conviennent, même si elles fabriquent déjà beaucoup de pièces en additif, cela n'est cependant pas suffisant pour maintenir à flot les fabricants des équipements d'impression 3D.

Une réduction de 20 à 30% de la masse des pièces produites

Depuis des années, on évoque la fabrication additive comme transformateur de l'industrie. Un moyen d'en développer l'usage, et donc de doper la filière, est de partager les résultats concrets de ceux qui l'exploitent déjà. Si l'on en croit Vallourec, Safran et Naval Group, la transition est effectivement en marche et génère un réel ROI. « Dans un premier temps, l'industriel passe d'une production conventionnelle à une technologie nouvelle, raconte Sylvie Dubois-Decool de Vallourec, et il doit effectivement démontrer que la même pièce, avec les mêmes caractéristiques, est de même qualité à l'arrivée. » Ses équipes réalisent alors un copier-coller de la pièce avec les deux méthodes de fabrication. « Une fois que c'est acquis, on peut prendre toute la liberté d'exploiter les spécificités de la fabrication additive métallique. » Une fois cette première étape franchie, le design industriel peut ainsi être complètement repensé. « On peut parfois réaliser 3 pièces en une, économiser la matière première, et ainsi éliminer des coûts cachés, poursuit Sylvie Dubois-Decool. Mais il faut changer la façon dont on pense la production, aller plus loin et définir des processus qui engendrent des économies. »

Safran démontre déjà, chiffres à l'appui, les avantages différentiels de la fabrication additive métallique, avec des pièces plus légères, une consommation moindre de matière première, la décarbonation du processus, etc. « En additif, nous réduisons la masse des pièces avionnées de 20 à 30%», précise ainsi David Leutard. Cela induit forcément une baisse de la consommation de carburant de l'appareil. Mais l'impression 3D métallique adapte aussi au juste besoin la consommation d'énergie et de matière première nécessaires en production. « Une pièce d'un kg exige 4 kg de matière première en fonderie. En fabrication additive, elle ne pèse plus que 800 g et ne nécessite que 1,2 kg de matière première. »

Des cas d'usage à partager

« Certes, la volumétrie des pièces reste faible, reconnaît David Lieutard. Mais nous augmentons la capacité à produire de cette façon, alors qu'il y a peu, nous étions encore à l'ère des prototypes. Nous sommes ainsi certains à 100% que nos moteurs seront nativement fabriqués en 3D en 2035. » Et d'évoquer par ailleurs la compétitivité croissante sur les lanceurs spatiaux, qui exige d'apporter de la valeur ajoutée. La réduction de la masse des pièces produites pourrait faire la différence.

Naval Group confirme de son côté l'existence de freins au développement de la fabrication additive. Patrice Vinot raconte ainsi ce cas d'usage à plusieurs M€ de ROI qui n'a finalement pas vu le jour, face à la frilosité du client et au coût du projet. Pour David Lieutard de Safran, des industriels comme Safran, Vallourec ou Naval Group ont acquis un savoir-faire et développé des bonnes pratiques qu'ils peuvent partager pour tenter de lever les barrières et donner naissance à une filière française.

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